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2035 : Voulez-vous vraiment perdre votre temps en voiture électrique ?


Paris - Lille par autoroute, un petit trajet tout simple de 230 kilomètres qui, selon Google Maps prend 2 h 45. Nous l’avons fait avec une DS3 Cross Back électrique afin de tester sur cette distance, tout à fait commune, un voyage en réel avec une voiture full électrique. Entre la chasse aux bornes, les illusions d’autonomie ou de charges, l’expérience fut une catastrophe pendant 6 heures ! Pile au moment où la Commission européenne se félicite de l’interdiction du thermique en 2035, l’avenir des nouvelles générations de conducteurs a déjà perdu tout sens pratique.


Pour cette expérience, notre trajet entre Paris et le centre de Lille utilise tout simplement l’autoroute la plus fréquentée de France. 226 kilomètres exactement pour arriver à destination, le périphérique pour sortir de la capitale puis l’A1 en direct jusqu’à Lille. Pas question de prendre « l’électrique » en défaut, mais de voir l’aspect pratique et réalisable avant 2035.
Pourtant avant un tel trajet en électrique, il est impératif de bien préparer son voyage, de regarder le kilométrage, au minima de l’aller, ainsi que les emplacements des bornes de recharge rapide pour savoir où s’arrêter. La spontanéité n’existe plus, un simple Paris-Lille est une mission avec planification, plan de vol et logistique.

Autonomie de la pub ou réelle

La voiture embarque une batterie de 50 kWh de capacité, supportant une recharge jusqu’à 100 kW (80 % en 30 minutes) et possède plus ou moins 320 kilomètres d’autonomie. Préférons nettement jouer la sécurité puisque l’autonomie ne dépasse pas par expérience les 200 kilomètres sur autoroute.
En toute logique, il nous fallait un seul arrêt d’une demi-heure pour recharger à 80 % et pouvoir finir ce voyage. Rappelons aussi que chaque aire d’autoroute ne dispose pas systématiquement de bornes de recharge. Il faut savoir à l’avance sur quelle aire s’arrêter et donc adapter sa conduite en fonction… au risque de finir le trajet sur une dépanneuse « à pétrole ». Rappelez-vous que circuler à 30 km/h dans la bande d’arrêt d’urgence est très interdit, pourtant la pratique se multiplie étrangement depuis peu.
 
Regardez sur Internet en fonction des autoroutes que vous prenez, notez-les, faites les bons calculs kilométriques ! Bref, pour ce voyage face au 2 h 45 au thermique, nous planifions déjà 3 h 30 et vérifions bien emporter le câble de recharge de notre borne. Ce n’est pas comme le thermique, le trajet sera peut-être moins cher mais impossible de partir sur un coup de tête ou un coup de cœur.
 
Après avoir patiemment attendu de sortir des bouchons du périphérique parisien, nous avons pu mettre le régulateur de vitesse à 130 km/h, la limitation sur autoroute. Personne sur la route, les trois heures s’annonçaient paisibles. Cependant, nous avons vite déchanté quand, en zieutant sur le pourcentage restant de la batterie, nous avons vu qu’elle chutait drastiquement ! Panique à bord alors que nous savions que la prochaine borne, et la seule possible sur notre route n’était pas avant 80 km et qu’en continuant à cette vitesse-là nous allions tomber en panne bien avant…
Nous pouvons vous assurer que réduire sa vitesse à 100 km/h et voir son temps de route se rallonger au fur et à mesure est une expérience particulièrement frustrante et angoissante. Pas le choix, nous activons un mode « Survie » et enclenchons le mode économique avec pour seul objectif d’arriver sur cette aire d’autoroute qui apparaît finalement comme une oasis avec ses quatre bornes de recharge vides qui nous attendaient patiemment. Combien avons-nous perdu de temps à rouler à 100 km/h sur les 130 km/h prévus, au moins une quarantaine de minutes.

Des bornes complexes à utiliser

N’ayant jamais utilisé une borne auparavant, nous n’avions pas de carte Total Energy. Si vous faîtes régulièrement de longs trajets, la carte s’impose, nous commençons donc par passer à la caisse : une vingtaine d'euros.
Le système n’est pas évident. Il faut scanner le code-barre, trouver la localisation de la borne, pallier les bugs… et quand tous les astres s’alignent enfin on peut brancher sa voiture, comptez dix bonnes minutes justes pour la « programmation de votre borne de recharge » la gestion du câble et des prises et alors que les vilaines voitures thermiques ravitaillent tout compris en 10 minutes.
La batterie de la DS3, supportant la recharge la plus puissante à 100 kW, il nous fallait un temps de recharge de 30 à 45 minutes avant de repartir complètement ravitaillé. Donc retour à la station, enfin à la cafétéria de la station pour une longue pause forcée.
Deux cafés chacun (9,60 €) et 35 minutes plus tard, le moment est enfin venu de repartir, sauf que notre batterie avait à peine chargée de 3 %. Tous les visages sont décomposés, nous devons recommencer toute l’opération. Le problème se répète deux fois de suite avant qu’une charge entière s’opère en trente minutes pour 16 €, mais finalement en réalité en 1 h 30, oui vous avez bien lu. Problème de borne, problème de température de notre batterie qui interdit une charge puissante : impossible de savoir, sauf l’incroyable perte de temps. Remarquez la situation aurait pu être pire avec la pluie par exemple, aucune des bornes de recharge de notre autoroute n’était abritée, rien n’est encore fait pour être vraiment pratique et utilisable au quotidien.

Ravitailler devient une victoire

Nous retrouvons le sourire, cessons nos envies de tueries de masse : la jauge d’énergie à nouveau full est vécue comme une incroyable victoire, presque une revanche sur la vie. Connaissant désormais le vrai prix d’une recharge, nous réduisons notre moyenne à 105 km/h au régulateur. La fin du trajet de 226 kilomètres se déroule sans encombre. Nous escamotons du coup, faute de temps la dernière borne à 27 kilomètres de notre arrivée prévue pour finir en sécurité ce voyage maudit. Une recharge est à prévoir sur place avant notre retour le lendemain. Ah oui, avec l’électrique, vous perdez aussi la possibilité d’un aller-retour, l’électron prend son temps. Du coup sur les 2 h 45 au thermique, les 3 h 30 prévue, c’est finalement un trajet réel de 4 h 15. Pour l’aspect financier en ajoutant les cafés et la charge à rapide hors de prix, difficile de trouver une réelle économie face à une petite et ancienne voiture diesel, tient ? Ça va mieux en le disant !



Aller pas simple et retour encore plus compliqué

Lille 4 h du matin pas de circulation, une dizaine de bornes de recharge annoncées disponibles aux alentours pour charger une voiture avec quarante précieux kilomètres survivants du trajet aller.
Nous nous lançons dans un Lille fantôme et inconnu… mais en réalité pas une seule borne de recharge. Une qui est non fonctionnelle, plusieurs introuvables, des parkings fermés… de déception en déception, nous pensons un moment abandonner la voiture sur place pour rentrer en train.
Notre dernière solution non sans risque est de reprendre l’autoroute avec à peine trente kilomètres d’autonomie, pour aller chercher la station-service à vingt-sept kilomètres.
Avant de vous lancer dans ce pari un peu risqué, apprenez bien l’éco-conduite !
Lentement et même très lentement, nous avons réussi à rejoindre l’aire qui est équipée d’une seule borne, moins puissante que celle trouvée la veille mais heureusement libre et fonctionnelle. Pour faire notre plein à fond il ne nous restait plus qu’à attendre 1 h 35 et à dépenser 42 €, tout de même. Cette prise de risque ne nous dispensait pas non plus d’un nouvel et indispensable arrêt recharge pour pouvoir enfin rejoindre Paris. La seule solution est une aire à mi-parcours finalement rejoint avec un régulateur de vitesse lamentablement calé à 100 km/h. Nous avons oublié toute notion de temps, nous sommes sous la dictature de notre batterie et de son autonomie. Arrivée sur place, une seule borne et occupée : résultat 45 minutes pour qu’elle se libère. Avec l’électrique, c’est pénurie tous les jours, comme aux heures sombres du pétrole. Un chargeur de seulement 22 kW nous attendait pouvant faire notre plein en… 4 heures. La borne était finalement excessivement lente et le prix grimpait à une vitesse folle. Impossible de contacter le numéro d’aide de la borne, nous sommes restés en tout deux heures et demie bloqués sur cette aire de repos. Clairement la recharge n’est pas suffisante, c’est une demi charge et elle permet tout juste de rejoindre la prochaine borne sur une aire à 90 kilomètres. Sur place la seule borne disponible était également prise. Dix minutes d’attente cette fois avant de pouvoir nous y brancher, et de nouveau quarantaine minutes avant de pouvoir reprendre notre route. Notre échelle de valeurs a complètement changé, nous trouvons finalement que cette toute dernière heure perdue était presque acceptable.

Un constat en pratique édifiant

Après une telle expérience nous sommes stupéfaits de la réalité de la situation.
Dans le principe, il existe bien des bornes de recharge rapides, qui sont efficaces et qui rechargent 80 % de la batterie en 30 minutes pour moins d’une vingtaine d’euros.
Dans les faits, trop peu d’aires d’autoroute sont équipées de ces bornes de recharge qui sont très régulièrement en panne ou occupées, voire inexistante. Les temps de recharge sont interminables et les prix incroyablement élevés en réalité. En pratique, vous ne pouvez même pas rouler à la vitesse légale de 130 km/h, mais plutôt entre 100 et 110 km/h, et ce point personne ne vous le dit. La route en devient carrément stressante, sous la dictature de votre faible autonomie.

L’avis de Permis Pratique

2035 c’est demain, enfin dans 13 ans, ce qui est très peu à l’échelle d’une société, l’automobile électrique ne tient aucune de ses promesses actuelles, alors électrification à marche forcée à tout de la mythification. Clairement, les nouvelles et futures générations de conducteurs pourraient payer très cher des choix politiques insensés aussi bien sur l’aspect économique et dans leur quotidien.

Lundi 11 Juillet 2022
Camille Stahl-Thévenon



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